Bassirat.net le mardi 2 novembre 2004
La part des revenus du pétrole prélevée par l'État passe de 60 à 85 %. De plus, une clause garantissant aux compagnies pétrolières un gel des taxes sur la durée des contrats passées entre elles et l'État a été levé. Les compagnies, qui attendent un retour sur investissements d'au moins 15 % par an en raison des risques liés à l'exploitation, à l'exploration et à l'exportation de leurs productions, risquent de mettre en suspens leurs projets d'exploration.
Le Majlis a également adopté une loi donnant au gouvernement la légitimité juridique dans le cas de ventes de parts par l'une des compagnies pétrolières membres d'un consortium fondé pour exploiter un gisement pétrolier Cette mesure, dont les effets sont rétroactifs, renvoie au conflit qui oppose l'État kazakhstanais au consortium Agip KCO [1] qui exploite le champ géant de Kashagan (13 milliards de barils de réserves prouvées) et explore le nord de la mer Caspienne.
En mai 2003, la société British Gas (BG) décida de vendre ses parts à deux compagnies chinoises, Sinopec et CNOOC. En mai de la même année, BG annonça que cinq membres du consortium Agip KCO (Conoco Phillips, ENI, ExxonMobil, Shell et Total) avaient exercé leur droit de préemption et s'apprêtaient à racheter sa participation. Le gouvernement kazakhstanais refusa la vente et indiqua qu'il comptait lui aussi faire jouer un droit de préemption qui ne lui était pas formellement reconnu. Depuis, la situation est bloquée, ce qui n'empêche pas le développement de Kashagan pour lequel Agip KCO devrait investir 3 milliards de $ en 2005.
En agissant ainsi, le président Nazarbayev poursuit un triple objectif. Tout d'abord, il souhaite renforcer le poids de KazMunaiGaiz, la compagnie pétrolière nationale, dans la production de pétrole, plus de 80 % de l'or noir kazakhstanais étant produit par des compagnies étrangères. Un gel des explorations permettrait à KazMunaiGaiz d'acquérir un savoir-faire et une expertise technologique lui ouvrant la possibilité de participer activement au développement du potentiel énergétique kazakhstanais qui s'annonce particulièrement lucratif.
En outre, le gouvernement entend influencer le choix des routes d'exportation de son brut. En effet, alors que le consortium privilégie le CPC [2] et le futur oléoduc reliant Bakou à Ceyhan, le Kazakhstan préfère diversifier ses options. Le 18 mai dernier, Astana et Pékin ont signé un accord d'un montant de 700 millions de $ prévoyant la construction d'un oléoduc d'une capacité de 10 millions de tonnes par an entre le centre du Kazakhstan et la frontière chinoise. Moins coûteuse, l'option iranienne est également étudiée avec attention. Cette option « serait meilleure que (le tracé) Bakou-Ceyhan, meilleure que (la solution) chinoise, meilleure que (la voie passant par) la Russie », a affirmé le président Nazarbayev dans un entretien publié le 25 mai dernier par le Financial Times.
Enfin, il entend mettre la pression sur le consortium afin qu'il accepte le rachat total ou partiel des parts de BG par KazMunaiGaiz. Cette stratégie offensive passe notamment par des pressions fiscales sur des sous-traitants du consortium. Les douanes kazakhstanaises ont confisqué des équipements appartenant à la compagnie américaine Parker Drillin en raison du non-paiement d'environ 6 millions de $ de droits de douane et d'1,7 million de $ d'amendes pour violation des règles douanières.
[1] L'Agip Kazakhstan North Caspian Operating se compose de compagnies dont les parts se répartissent de la manière suivante :
- ENI : 16,67 %
- British Gas : 16,67 %
- ExxonMobil : 16,67 %
- Shell : 16,67 %
- Total : 16,67 %
- Conoco Phillips : 8,325 %
- Inpex : 8,325%
[2] Le Caspian Pipeline Consortium (CPC) réalise la connexion des gisements de pétrole de la mer Capsienne avec le port russe de Novorossisk sur la mer Noire en empruntant essentiellement des oléoducs existants. Ce tracé a été développé et financé par la Russie, Oman et le Kazakhstan avec l'aide de compagnies internationales. Le premier tanker à s'approvisionner en pétrole kazakhstanais (gisement de Tenguiz) a quitté le port de Novorossisk le 15 octobre 2001. Le CPC offre une capacité de 560 000 b/j qui sera portée à 1,34 million de b/j à terme.
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