En 1994, un plan fut conçu en partenariat entre le Kazakhstan et le gouvernement américain pour convoyer secrètement jusqu’aux Etats-Unis une demi tonne d’uranium enrichi à usage militaire, ce qui représente plus de deux douzaines de bombes d’une puissance équivalente à celle d’Hiroshima. Il s’agissait d’empêcher que cet uranium tombe entre des mains malintentionnées après la chute de l’Union Soviétique.
C’était l’été 1993 et la voiture d’Andy Weber avait grand besoin d’une révision. Andy Weber, un employé du Département de la Défense américain, était à cette époque attaché auprès de l’Ambassade des Etats-Unis dans la toute jeune République du Kazakhstan. Lors de sa visite dans un garage automobile d’Almaty, l’un des mécaniciens présents lui fit part d’une rumeur qui courait au sujet de la cité auparavant secrète d’Ulba, au nord du pays. A Ulba, lui dit-il, étaient toujours entreposés des stocks d’uranium militaire. Le mécanicien tenait l’information de Vitaly Miette, le directeur de l’usine métallurgique d’Ulba.
Une rencontre discrète fut d’abord organisée entre Weber et Miette. Puis ils organisèrent ensemble une expédition de chasse dans les Monts Altaï à l’issue de laquelle la confiance s’était instaurée entre les deux hommes. Le renseignement concernant l’uranium militaire fut ensuite confirmé au plus haut niveau.
Weber décida de transmettre l’information à l’ambassadeur des Etats-Unis lui-même, Son Excellence William Courtney. Il se révéla une pièce essentielle du puzzle qui allait déboucher sur une mission secrète dénommée Projet Saphyr. Une opération qui a permis d’exfiltrer plus d’une demi-tonne d’uranium enrichi depuis le Kazakhstan jusqu’au complexe national de haute sécurité américain Y-12, un entrepôt de stockage de l’Administration américaine installé à Oak Ridge dans le Tenessee.
Vitaly Miette n’agissait pas de son propre chef : la mission avait été lancée à l’initiative du Président Nursultan Nazarbayev afin d’empêcher l’uranium de tomber entre les mains de terroristes ou de pays désireux de se doter de l’arme nucléaire. Le Kazakhstan a pour sa part volontairement renoncé à son arsenal nucléaire, le 4ème du monde, dès 1993.
L’ambassadeur Courtney fut au cœur des négociations secrètes entre le gouvernement kazakh et les départements de la Défense et de l’Energie de l’Administration américaine.
En février 1994, le Président Nazarbayev effectua sa première visite à Washington, au cours de laquelle il rencontra le Président Bill Clinton. Le Président des Etats-Unis loua à cette occasion « le courage, la vision et le leadership » de son homologue kazakh. Le Projet Saphyr ne fut mentionné à aucun moment et resta secret pendant encore huit mois.
L’uranium mis à l’abri semblait provenir du programme de sous-marins secrets Alfa. Il avait ensuite été transféré à Ulba pour y être stocké mais dans un entrepôt sans surveillance digne de ce nom pour un matériel aussi sensible. L’uranium était simplement mentionné dans le registre manuscrit de l’entrepôt. La mission consistait donc, après avoir repéré l’uranium dans l’entrepôt, à conditionner celui-ci sous la forme de 1300 containers d’acier puis à les convoyer jusqu’aux Etats-Unis, via la Turquie, à bord de deux avions de transport C-5.
Les Etats-Unis s’engagèrent à verser une compensation au Kazakhstan, même si celle-ci ne fut « pas traitée comme une transaction ordinaire ». On parle d’une somme totale de 27 millions de dollars US, à la fois en numéraire et en nature.
Andy Weber travaille toujours pour le Département américain de la Défense.
Vitaly Miette fut nommé Premier Ministre adjoint en 1995. Il devint ensuite le gouverneur de la région de Semipalatinsk puis du Kazakhstan occidental. En 2003, il prit la présidence de la société nationale Kazakhstan Engineering mais décéda la même année.
Nursultan Nazarbayev a été réélu président du Kazakhstan en 2007.
Le Kazakhstan dispose de la deuxième plus importante réserve d’uranium au monde. Sa production pour les six premiers mois de 2009 a atteint 6000 tonnes, soit une augmentation de 57% par rapport aux six premiers mois de 2008.
LE KAZAKHSTAN ET LA NON PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE
Lorsque le Kazakhstan est devenu indépendant en 1991, le pays disposait du quatrième arsenal nucléaire au monde. Il fut volontairement démantelé dès 1993.
Plus d’un million de citoyens kazakhs ont été exposés aux radiations au cours des 456 essais nucléaires qui furent menés de 1949 à 1989 sur le site de Semipalatinsk.
Aujourd’hui, les experts estiment que plus de trois cents ans seront nécessaires pour décontaminer le site. Le gouvernement kazakh a déjà alloué plusieurs millions de dollars US pour les premières phases du plan de réhabilitation de la région.
En 2006, Semipalatinsk a été symboliquement choisie pour accueillir la cérémonie de signature du Traité pour une Zone exempte d'armes nucléaires en Asie Centrale. Le Traité a été ratifié le 21 mars 2009.
Le Kazakhstan continuera à ouvrir la voie vers un monde délivré de l’arme nucléaire : il a proposé d’accueillir sur son sol une banque de combustible nucléaire, c'est-à-dire un lieu de stockage susceptible d’être utilisé par tous les pays du monde qui souhaite accéder à l’énergie nucléaire civile. Cette proposition a été très favorablement accueillie par le président des Etats-Unis Barack Obama et d’autres dirigeants.
Cette année, le Président Nazarbayev a proposé que le 29 août devienne désormais la « Journée Internationale de la renonciation à l’arme nucléaire ».