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jeudi 24 mai 2007

Quel avenir pour les pipelines transcaspiens après « l'accord de Turkmenbachi »?

Un nouvel accord énergétique signé entre la Russie et les pays d'Asie Centrale riches en énergie, le Kazakhstan et le Turkménistan, jette une ombre sur les stratégies européennes et américaines de diversification énergétique. L'accord signé le 12 mai au Turkménistan, dans le port Turkmenbachi au bord de la mer caspienne, permet à la Russie de bloquer aux pays occidentaux un accès direct au gaz turkmène, créant un quasi monopole russe sur les routes de transport partant de la Caspienne. Cet accord est un coup sévère porté aux projets occidentaux de pipelines transcaspiens.

Début mai 2007, deux sommets énergétiques rivaux ont promu deux stratégies différentes concernant l'export des ressources énergétiques de la Caspienne. Une rencontre à Cracovie a réuni le 11 mai les dirigeants d'Azerbaïdjan, de Géorgie, de Lituanie, de Pologne et d'Ukraine pour signer une déclaration commune appelant a une coopération accrue dans le transport des ressources énergétiques de la région Caspienne jusqu'en Europe via le Caucase. Le jour suivant, le président russe Vladimir Poutine a réussi a éclipser cette rencontre en s'assurant la participation du président kazakh Noursoultan Nazarbayev, lequel avait confirme auparavant sa présence a Cracovie, à un sommet parallèle avec le président turkmène Gurbanguly Berdymukhammedov. Les trois dirigeants ont signé un accord énergétique majeur visant a étendre le gazoduc Prikaspiisky pour transporter le gaz naturel turkmène en Russie le long de la mer caspienne par le Kazakhstan.

Cet accord énergétique montre que la Russie n'a pas entièrement perdu son influence en Asie Centrale. Outre l'accord Prikaspiisky, une déclaration avait été signée auparavant avec l'Ouzbékistan, prévoyant la rénovation d'un gazoduc entre le Turkménistan, l'Ouzbékistan, le Kazakhstan et la Russie. En conséquence, les prévisions annoncent que les importations annuelles de gaz de l'Asie Centrale en Russie vont passer de 50 milliards de mètre cubes à 90 milliards de mètre cubes.

Quelles sont les conséquences pour les pipelines trans-caspiens?

Outre l'assurance d'exports gaziers pouvant pallier à de futurs manques domestiques, l'accord est aussi une étape décisive dans les objectifs géopolitiques de Moscou visant à compromettre les politiques européennes et américaines de diversification énergétique. L'Union Européenne (UE) et les Etats-Unis ont soutenu un certain nombre de projets de pipelines pour s'assurer un accès direct aux ressources énergétiques de la Caspienne, en utilisant la Géorgie et l'Azerbaïdjan comme pays de transit. Avec le développement d'une stratégie européenne pour l'Asie Centrale et les visites d'officiels de l'UE dans ces pays, l'UE a récemment multiplie ses efforts pour négocier directement avec les pays producteurs d'Asie Centrale et réduire sa dépendance énergétique a la Russie. L'UE craint de voir la Russie utiliser l'énergie comme levier politique à la suite de la « dispute énergétique » entre la Russie et l'Ukraine en 2006.

Apres les visites d'officiels américains et européens à Astana dans les derniers mois, le Kazakhstan semble pourtant s'orienter vers Moscou. Le pétrole a aussi fait l'objet de négociations entre Poutine et Nazarbayev, qui ont annonce l'expansion de la Caspian Pipeline Consortium Route (CPC). A la lumière de cette déclaration, le projet soutenu par les Etats-Unis de construire un oléoduc sous la mer Noire pour étendre l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) au Kazakhstan semble compromis.

Les accords énergétiques portent un sévère coup à un autre projet de pipeline, le gazoduc Nabucco, auquel participe différentes compagnies européennes. Le gazoduc Nabucco devrait transporter le gaz caspien vers l'Europe en passant par la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et la Turquie. Le projet Nabucco prévoit aussi la future expansion du gazoduc au Turkménistan et au Kazakhstan. L'annonce du gouvernement hongrois fin mars selon laquelle il soutiendrait un projet rival, le gazoduc Bluestream de Gazprom passant par la Turquie et l'Hongrie en suivant la même route que Nabucco, a toutefois jetté quelques doutes sur le projet Nabucco.

Les Etats-Unis ont soutenu les efforts de l'UE de construire un dialogue direct avec le gouvernement turkmène, encourageant aussi les officiels géorgiens dans la même voie. Le premier ministre géorgien Zourab Nogaideli a visité Ashgabat en mars pour discuter du transport du gaz turkmène vers l'occident par le Caucase. Dans une interview avec Radio Liberté en mai, la porte-parole du parlement géorgien, Nino Bourdjanadze, a quant à elle appelé l'UE a continuer de soutenir des gazoducs et oléoducs contournant la Russie en utilisant comme routes alternatives la Géorgie, l'Azerbaïdjan et la Turquie.

Le Kazakhstan et le Turkménistan ont un rôle pivot dans la construction de tubes trans-caspiens. Apres les récents changements de leadership au Turkménistan, les pays occidentaux se posent des questions sur la future orientation en politique étrangère du pays. Il reste à voir si le récent rapprochement du Kazakhstan avec la Russie est uniquement l'expression d'une politique étrangère pragmatique multidirectionnelle ou si les Etats-Unis et l'UE ont bien perdu un peu de leur influence en Asie Centrale.

Article de Lili DI PUPPO, paru le 24 mai 2007 sur www.caucaz.com

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