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mardi 6 juillet 2010

Hier infréquentable, le riche Kazakhstan est courtisé par les investisseurs

La ville est en fête. On célèbre, mardi 6 juillet, les 70 ans du chef de l'Etat, Noursoultan Nazarbaev, au pouvoir depuis vingt ans, et le douzième anniversaire d'Astana, la capitale du Kazakhstan. Au sommet de la tour Baïterek, le symbole de cette cité de 700 000 habitants, les gens font la queue, en famille, pour poser leur main sur l'empreinte de celle du président, coulée dans une plaque de bronze...


Signe, sans doute, de la respectabilité récemment acquise par le Kazakhstan, les visiteurs étrangers se gardent désormais d'ironiser sur Astana, la capitale surgie des steppes après que le chef de l'Etat eut déclaré que la tenante du titre, Almaty, à 1 200 kilomètres au sud, était trop excentrée. Avec ses gratte-ciel futuristes, sa pyramide du Louvre, son palais présidentiel calqué sur la Maison Blanche et ses parcs de loisir, Astana est un curieux mélange de Dubaï et de Disneyland auquel on aurait oublié d'insuffler une âme. Ses 40 degrés l'hiver rappellent, eux, que ce lieu inhospitalier a servi de goulag à l'époque de Staline.

Peu de pays sont aujourd'hui autant courtisés que le Kazakhstan. Née en 1991 de l'éclatement de l'Union soviétique, cette république pétrolière est grande comme cinq fois la France, mais peuplée d'à peine 16 millions d'habitants. Les grands de la planète - Nicolas Sarkozy autant que Barack Obama - traitent le président Nazarbaev avec des égards remarqués.

Non seulement cet ex-ouvrier métallo est à la tête du plus important pays, économiquement, d'Asie centrale - avec un produit intérieur brut qui totalise les deux tiers de celui de la région, soit 107 milliards de dollars - mais il a volontairement renoncé à tout programme nucléaire au début des années 1990. Un geste rare, qui explique la mansuétude de la communauté internationale à son égard, au point que ce régime peu démocratique s'est vu accorder la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour l'année 2010.

Charbon, or, platine, silicium, zinc et surtout uranium... Il n'est pas un métal rare dont ne dispose le sous-sol du Kazakhstan, qui regorge aussi de pétrole et de gaz. Quand le gisement géant de Kashagan, en mer Caspienne, entrera en fonction en 2013, le pays deviendra le sixième producteur mondial d'or noir. "C'est la plus grosse découverte faite depuis Prudhoe Bay, en Alaska, il y a trente ans. Quelque 40 000 personnes travaillent sur ce projet. Il produira d'abord 400 000 barils par jour, puis 1,5 million de barils à plein rendement", souligne Pierre Delpont, directeur des relations extérieures du North Caspian Operation Company (NCOC), le consortium international qui exploite Kashagan, dont fait partie Total. Pour lui, le Kazakhstan "peut tout se permettre" avec de telles richesses.

"Assis sur un trésor"

Diversification est aujourd'hui le leitmotiv à Astana. Après des années de croissance de l'ordre de 10 %, l'économie a pâti, en 2007-2008, de la crise financière internationale, les banques du pays étant dépendantes des marchés extérieurs. Au même moment, le cours des hydrocarbures dégringolait. Si le Kazakhstan s'en est sorti avec un taux de croissance de 1,2 % en 2009 - quand la Russie, son premier partenaire économique, entrait en récession (- 7,9 %) -, il le doit à un efficace plan de relance de 10 milliards de dollars (8 milliards d'euros). "Nous voulons tirer les leçons du passé et sortir de notre dépendance aux hydrocarbures. C'est pourquoi nous avons lancé un programme industriel accéléré pour 2010-2014", déclare Aigul Toxanova, directrice adjointe de l'Institut de recherche économique d'Astana, pour qui le pays réussira son pari d'intégrer, d'ici dix ans, les 40 premières puissances mondiales.

Pas question en tout cas d'exploiter les richesses du Kazakhstan sans accompagner le pays dans sa stratégie de diversification. "Les dirigeants ont de plus en plus conscience du trésor sur lequel ils sont assis. Ils redoutent de leurs partenaires étrangers un comportement prédateur et exigent d'eux une démarche citoyenne", explique Jean-Jacques Guillaudeau, chef du service économique pour l'Asie centrale à l'ambassade de France.

Formation, assistance et transfert de technologie font désormais partie intégrante des contrats. Les principaux groupes français l'ont compris et jouent le jeu. Ainsi, Total monte à Astana un institut de la soudure. Alstom, qui vient de décrocher un marché de 1 milliard d'euros, s'est engagé à fabriquer sur place 150 locomotives.

Mais le projet qui illustre peut-être le mieux l'ambition du Kazakhstan de diversifier son économie et de se hisser parmi les "grands" concerne l'industrie spatiale. EADS Astrium s'apprête à signer avec KasComos un contrat d'un montant de 260 millions d'euros. EADS assemblera ses satellites à Astana dans un centre dont Anne-Marie Idrac a posé la première pierre, le 3 juillet. Il s'agissait de la troisième visite en deux ans de la secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur.

C'est dans ce contexte qu'on annonce une visite officielle en France du président Nazarbaev, à l'automne. L'Union européenne est pour le Kazakhstan un partenaire essentiel face aux deux géants russe et chinois. "Désormais, c'est notre intérêt qui prime, nous le faisons valoir à chaque occasion et sans complexe, lâche fermement Roman Vassilenko, proche collaborateur du ministre des affaires étrangères. Le Kazakhstan n'est plus un pion, mais un acteur de la scène internationale."

Florence Beaugé, article publié sur http://www.lemonde.fr/ le 6 juillet 2010

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