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lundi 3 janvier 2011

L'eldorado pétrolier bute sur le verrou russe

Les experts prédisent au Kazakhstan un futur pétrolier digne de l'Arabie saoudite. A condition que le pays puisse exporter son or noir vers l'Europe de l'Ouest ou vers l'Asie. Sans fâcher la Russie.

«Notre problème est simple. Nous avons beaucoup de pétrole et de gaz que nous désirons vendre à un maximum de clients.» Dans un restaurant géorgien d'Astana, alors que le vent souffle dehors par -27 degrés, l'homme qui parle ainsi est l'un des responsables de Kazmunaigaz, le consortium pétro-gazier détenu par l'Etat kazakh.

Faute d'y être autorisé, ce spécialiste des hydrocarbures nous commente, sous le couvert de l'anonymat, l'avenir des différents gisements découverts sous la Caspienne et sur le continent. Les deux champs de pétrole les plus importants du Kazakhstan, celui on shore de Tengiz (exploité par l'américain Chevron) et celui off shore de Kashagan (programmé pour une mise en exploitation au plus tôt en 2013 par un consortium regroupant le français Total, l'italien Eni, l'américain Conoco-Philips et Kazmunaigaz), lui arrachent moult croquis. Dont un, plus symbolique que d'autres: d'un côté un réseau d'oléoducs en partance des champs pétrolifères de la Caspienne vers la Russie voisine. Et, de l'autre, presqu'aucun «tuyau» capable d'alimenter directement l'Europe de l'Ouest ou la Chine.

Le dilemme n'est pas que pétrolier. Il a dominé les débats tout au long de l'année 2010 durant laquelle ce pays émergent d'Asie centrale a présidé l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Dans tous les domaines ou presque, le Kazakhstan, et son riche sous-sol gorgé d'hydrocarbures et d'uranium, bute sur le même obstacle: ses meilleurs clients potentiels sont à Bruxelles, Berlin, Paris ou Pékin. Mais les clés du verrou énergético-industriel de ce géant d'Asie centrale se trouvent encore à Moscou, qui contrôle le réseau d'oléoducs construits à l'époque de l'Union soviétique. Sans compter la plupart des couloirs d'accès routiers ou ferroviaires à ce vaste pays enclavé de 16 millions d'habitants.

«Notre avenir se conjugue avec celui de la Russie», confirme le ministre des Transports, Abelgazy Kussainov. Une situation confortée par la forte population russe du pays, surtout dans le nord proche de la Sibérie dont la nouvelle capitale Astana, crée en 1998, est l'épicentre: «Les Russes du Kazakhstan ne sont pas des colonisateurs, explique Alain Deletroz, spécialiste de la région à International Crisis Group. Leurs ancêtres ont conquis ce territoire sur la nature. Ils y ont implanté des villes russes.» Logique, dès lors, que ce Kazakhstan métissé calcule les risques qu'il prend pour écouler ses richesses minérales. D'autant que les deux pays ont 9000 km de frontière, une langue et un passé soviétique communs.

La ville d'Astana elle-même, seconde capitale la plus froide du globe après Oulan-Bator en Mongolie, porte la marque de ce grand écart entre l'Europe et l'Asie que d'autres, jadis, appelaient «le Grand Jeu».

Capitale sortie de terre sur une décision de l'autocrate Noursoultan Nazarbaïev, président depuis l'éclatement de l'URSS et l'indépendance proclamée en avril 1990, ses bâtiments fétiches les plus modernes sur la rive gauche du fleuve Ichim (gelé en hiver, farouche en été lorsque les températures atteignent 40 degrés) ont tous été confiés à prix d'or à des architectes européens. D'où le mélange à la fois kitsch et ultramoderne de ce Dubaï des steppes dont la dernière folie, une gigantesque tente appelée Khan Shatyr et édifiée pour le 70e anniversaire du président, comporte… un centre commercial et une plage intérieure. Mais à l'inverse, la vieille ville de sa rive droite est tout à fait russe, faite d'isbas alignées au cordeau. Et plusieurs chantiers d'immeubles collectifs pour fonctionnaires ont été attribués, pour compenser, à des compagnies coréennes ou chinoises.

L'énergie, toutefois, est le théâtre des plus intenses rivalités. Principal opérateur du champ pétrolier de Tengiz, dans le désert kazakh proche de la mer Caspienne, la compagnie américaine Chevron ronge ainsi son frein depuis des années, incapable d'extraire plus de 450 000 barils par jour, au lieu des 600 000 prévus dans ce champ considéré comme l'un de ses joyaux. Les Russes, pour brider la concurrence, renâclent à construire le nouvel oléoduc qui pourrait acheminer le brut de la centaine de puits exploités vers la mer Noire. Résultat: Chevron a dû investir dans les… chemins de fer kazakhs pour exporter une partie de son or noir par le rail. Toujours via la Russie.

La meilleure manière de desserrer l'étau est évidemment de contourner l'ours russe. Cela s'est fait au gisement de Kumkol, au centre du pays, désormais relié à la Chine par un oléoduc direct inauguré fin 2009. Pékin, depuis, fait les yeux doux au régime autoritaire d'Astana pour que le champ de Kashagan, au nord de la Caspienne, considéré comme l'une des plus grandes découvertes depuis 1970, écoule son brut vers l'est. Des ingénieurs chinois visitent souvent les îles artificielles entourées de digues pour les protéger, durant l'hiver sibérien, de la mer de glace qui les assaille. Mais le dragon fait peur: «Notre objectif avec les Chinois est de garder le contrôle. Ce qui est loin d'être facile», analyse un diplomate kazakh impliqué dans les négociations qui ont entraîné, en 2005, le débarquement de China Petroleum sur le marché local, via le rachat d'une compagnie canadienne, Petrokazakhstan, pour 4,2 milliards de dollars.

Et l'Europe? Le Kazakhstan est, avec les gisements gaziers du Turkménistan voisin, l'objectif ultime du projet de gazoduc Nabucco poussé par l'Union européenne, dont le tracé contourne la Russie via le sud Caucase sur 3300 km. Son coût, estimé à 8 milliards d'euros, est faramineux. Problème: «C'est de la science-fiction, lâche notre haut responsable de Kazmunaigaz. Trop cher, trop risqué, trop compliqué!» Un jugement définitif, renforcé par le fait que la compagnie italienne Eni, qui détient 17% du gisement de Kashagan, est impliquée dans le projet concurrent Southstream défendu par Gazprom, jugé aussi «plus réaliste» par le française Total. Le verrou russe n'est pas près de céder.

Par Richard Werly sur www.letemps.ch le 30 décembre 2010

 

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