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samedi 30 mai 2009

Les censeurs du Net


La carte du Web censuré. Signalés d’une croix noire, les pays pratiquant la censure d’Internet, avec des moyens de répression dure et ceux procédant au filtrage des contenus “politiques”. D’une croix rouge, les pays exerçant un filtrage des contenus “sociaux” d’Internet. (sources : Reporters sans frontières, OpenNet Initiative)
Sur Internet, 1994-2004 a été l’ère des pionniers. 2004-2007 a été l’ère des marchands. Aujourd’hui s’ouvre l’ère des mé chants. Partout dans le monde, les sites plongent dans le noir, les arrestations s’enchaînent, les peines de prison pleuvent. Le Web vient de fêter ses 20 ans. Personne ne le prenait au sérieux : c’est fini.
Nacer (tous les prénoms d’internautes cités dans cet article ont été modifiés) se souvient du premier ordinateur connecté à Internet à la bibliothèque nationale de Damas, en Syrie : un garde qui ne comprenait pas un mot d’anglais venait s’asseoir à côté de vous pendant la consultation, pour surveiller cette nouvelle nitro glycérine. C’était le bon temps. Aujourd’hui, les Syriens surfent confortablement, depuis chez eux, sur un Web censuré. La cybercensure, le fichage des internautes ne sont pourtant pas l’affaire des seules dictatures.
L’Italie est en phase avec la Chine. La loi y oblige tous les cybercafés à scanner les papiers d’identité du moindre client. Au Kazakhstan, il est actuellement vivement conseillé de ne pas publier les mots ” crise économique ” sur Internet – le président ne le veut pas. C’est folklorique, face aux tests en cours en Australie, pour purger tout le Web local des ” contenus numériques à caractère pédophile “. Tous les gouvernements sont angoissés par l’hydre Internet, mais chacun l’exprime selon sa culture. La Grande-Bretagne se prépare à surveiller et archiver toutes les communications électroniques, au nom de la lutte contre le terrorisme. En France, la confrontation Etat-internautes a lieu autour du téléchargement d’œuvres protégées. Quand la poussière retombe sur les champs de bataille législatifs, il reste un rapport de forces inégal : les Etats et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ont maintenant les moyens techniques pour repérer et rendre inaccessibles les sites qui fâchent, à l’échelle d’un pays. On dit alors que le Web est ” filtré “.


LA PAGE INTROUVABLE, ERREUR 404


Le filtrage du Web s’annonce le plus souvent par le message : ” Page introuvable “, familière à tous les internautes, libres ou surveillés. En jargon informatique, on l’appelle ” page de l’erreur no 404 “. La page 404 a toujours posé problème. Une jolie légende technologique veut qu’aux débuts de la Toile, au Cern, en Suisse, les chercheurs, excédés d’aller sans cesse relancer un serveur défaillant installé dans le bureau no 404, aient attribué ce numéro d’erreur au défaut de connexion, en souvenir de cette pièce maudite. Vraie ou fausse, cette page d’erreur a en effet un mauvais karma.
A Oman, à Bahreïn, à Dubaï, la page de l’erreur 404 est franche du collier : vous serez redirigé vers un message vous informant, en anglais et en arabe, que le site que vous cherchez n’est pas autorisé dans le royaume. En Chine, la page 404 n’est assortie d’aucune explication, et elles sont inutiles : le site est censuré. Les soldats américains en Irak tombent dessus quand ils veulent consulter YouTube, interdit par l’US Army, depuis leur base. Ils n’ont pas ce problème depuis un cybercafé de Bagdad. En Algérie et en Egypte, elle signale réellement un problème technique : le Web n’y est pas filtré, même s’il est très policé. Elle apparaît si vous demandez depuis la Syrie un site dont l’adresse contient la terminaison ” .il “, code d’Israël. Vous n’aurez en revanche aucun problème avec un site porno. Et en Tunisie, la page 404 est tout simplement factice. Une page Internet Explorer ou Firefox vous informe que votre connexion n’a pu aboutir. Seul un détail – le logo de Firefox alors que vous surfez avec le navigateur Internet Explorer, ou le contraire – permet de s’apercevoir qu’il s’agit d’une fausse page. Ce qui, en Tunisie, a lancé l’expression ” une 404 bâchée ” pour les pages censurées, clin d’œil à la camionnette Peugeot si populaire en Afrique. Et tous les internautes tunisiens de s’écrier en chœur : “Et son chauffeur s’appelle Ammar !” Ammar, comme la première lettre de l’ATI, l’Agence tunisienne de l’Internet, paravent du ministère de l’intérieur tunisien. .....


By Claire Ulrich • May 30th, 2009

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