C'est une première pour l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) : une ancienne république soviétique assure depuis le 1er janvier la présidence tournante de l'institution. C'est aussi la première fois qu'un Etat à majorité musulmane dirige l'organisation, créée en 1975 en période de dégel soviético-occidental et dont l'ambition initiale était d'instaurer un dialogue entre les membres du pacte de Varsovie et les pays d'Europe de l'Ouest.
Après deux tentatives infructueuses, le Kazakhstan est parvenu à convaincre ses pairs de l'OSCE en promettant une série de réformes, qui devaient prendre place, "au plus tard", en 2008. Astana devait notamment simplifier l'enregistrement des partis politiques, alléger sa législation sur la presse et réformer son système électoral en suivant les recommandations faites par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE (Odihr).
Pourtant, en dépit de quelques mesures adoptées, la situation des droits de l'homme se détériore au Kazakhstan, selon de nombreuses ONG, parmi lesquelles Human Rights Watch. Le plus connu des militants du pays, Evgueniï Jovtis, purge une peine de quatre ans de prison ferme pour homicide involontaire, à la suite d'un procès qualifié de "politique " par les opposants, et les manifestations publiques sont toujours encadrées par un arsenal législatif contraignant.
Au niveau politique, le système est verrouillé par le réseau clanique développé autour de Noursoultan Nazarbaïev, qui a obtenu 91 % des voix aux élections présidentielles de 2005. Il pourra se représenter en 2012 à la faveur d'une loi qui limite à deux les mandats présidentiels, à l'exception "du premier président du pays". A la tête du Kazakhstan depuis l'indépendance en 1991, Noursoultan Nazarbaïev peut aussi compter sur le parti La Patrie, qui occupe la totalité des 98 sièges de l'Assemblée législative.
Enfin, les réformes concernant la liberté de la presse semblent avoir produit l'effet inverse : une nouvelle loi sur la diffamation complique le travail des journalistes, surtout lors d'enquêtes sur la corruption. Pour le Web par exemple, une loi votée en 2009 - et décriée par l'Union européenne - assimile tout site Internet à un média, et rend le propriétaire pénalement responsable de l'information publiée - un coup dur pour les nombreux blogs politiques.
Face aux inquiétudes, Astana botte en touche et répète à l'envi le credo de sa présidence : la "sécurité", notamment sur le dossier afghan. Selon Kanat Saoudabaïev, ministre kazakh des affaires étrangères et président en exercice de l'OSCE pour l'année, "toute discussion sur la sécurité européenne est prématurée tant que la question afghane n'est pas résolue ".
Un credo salué par Moscou, qui entretient avec l'OSCE des relations compliquées. Le premier ministre Vladimir Poutine l'a souvent pourfendu, et déploré son "ingérence" dans les affaires intérieures, notamment à l'occasion d'élections où l'OSCE envoie des observateurs. Le président russe, Dmitri Medvedev, a, lui, salué la nouvelle présidence kazakhe, "qui permettra à l'OSCE de trouver une nouvelle place".
Moscou souhaiterait certainement voir son voisin kazakh profiter de sa position pour limiter le rôle de l'organisation dans le monitoring électoral et les programmes de promotion de la démocratie. Selon certaines sources diplomatiques, Washington aurait donné son aval à la présidence kazakhe, à la condition que celle-ci ne modifie en rien les programmes de l'Odihr, chargé de l'observation des élections, notamment dans les ex-républiques soviétiques.
0 Comments:
Post a Comment