Reporters sans frontières dénonce l'ensemble des exactions commises à l'encontre des médias et des journalistes critiques envers le référendum visant à prolonger le mandat du président Nursultan Nazarbaev jusqu'en 2020.
"Cette initiative qui tend à perpétuer un régime dictatorial et viole de manière flagrante les principes démocratiques élémentaires, risque de s'accompagner d'une répression accrue des médias dénonçant cette violation et d'une détérioration brutale de la liberté d'expression. Alors que le président Nazarbaev s'est lui-même officiellement opposé à ce référendum, il est étonnant que toutes les voix qui tentent de s'élever contre soient aussitôt étouffées. Il est urgent que l'OSCE présidée par le Kazakhstan en 2010 et l'Union Européenne agissent pour protéger la liberté de la presse et exhortent les autorités kazakhes à cesser toutes formes de violations à l'encontre des journalistes " a déclaré Reporters sans frontières.
L'idée d'organiser un référendum national afin de proroger le mandat du président Nazarbaev - au pouvoir depuis 1989 - a été lancée en décembre 2010 par un groupe d'initiative. Elle a été adoptée à l'unanimité par le Parlement, le 14 janvier 2011. Un référendum est nécessaire pour modifier la Constitution et permettre au président de gouverner jusqu'en 2020, sans organiser d'élections en 2012. Le scrutin référendaire aura lieu en mars 2011. Ce projet a suscité plusieurs actions de contestation qui ont été vivement réprimées.
Dans la nuit du 13 au 14 janvier 2011, une partie du tirage du principal hebdomadaire d'opposition, Golos Respubliki (connu au Kazakhstan sous le nom de Respublika) a été saisi par les forces de l'ordre. A deux heures du matin, des agents de police et de la Direction des affaires intérieures (UVD), accompagnés du procureur, ont arrêté le véhicule de distribution et confisqué 3 000 exemplaires du journal, l'accusant de "diffuser des informations illégales". Heureusement, la majorité du tirage (19 000 exemplaires) a échappé à la police et a pu être distribuée. Les membres de la rédaction présents dans le véhicule ont été emmenés au siège de la police d'Almaty. Selon la rédaction du journal, cette saisie et ces interpellations sont dues à la publication d'articles critiques envers le projet de référendum national et envers la corruption du régime instauré par Nursultan Nazarbaev.
La rédactrice en chef de Golos Respubliki, Tatyana Troubatchevoï, revient sur les pressions qu'endure son journal depuis plus d'un an : "C'est la suite des pressions contre notre journal. Nous avons été obligés de fermer Respublika après la poursuite de la banque BTA, qui a pratiquement mis le journal en faillite. Ensuite, on nous a retiré la licence de Moïa Respublika, égarée dans les documents du ministère de la Presse. A présent, la pression s'accentue sur sur Golos Respubliki. Cela fait déjà un an et demi que le journal paraît en réseaugraphie. Maintenant, nous rencontrons des obstacles dans la diffusion de la version papier au Kazakhstan. Nous transmettons par envoi électronique la version du journal à nos lecteurs. Mais dans beaucoup de régions et dans certains villages, Internet n'existe pas. L'interdiction de diffusion est la prochaine étape du processus d'élimination du journal Respublika, sous ses différentes appellations. La pression exercée sur nous s'est accrue après 2010, quand le Kazakhstan a cessé de présider l'OSCE. C'est pourquoi nous recherchons de l'aide pour sauver le journal et donner aux gens la possibilité de lire une information alternative". Le harcèlement que subit Golos Respubliki illustre les pressions que connaissent les médias qui défendent une position et une information différentes de celles du gouvernement.
Ainsi, le 6 janvier 2011, à Ouralska (ville au nord-ouest du Kazakhstan), six journalistes qui manifestaient contre le référendum ont été interpellés et condamnés à une amende de 10 à 15 mois de salaires (soit 100 à 150 euros). Parmi eux, la correspondante d'Ouralskaïa nedelia, Loukpana Akhmedïarova, et le correspondant de Nadejda, Sanat Ournaliev, ont également été détenus pendant cinq jours pour avoir "opposé de la résistance" aux forces de police durant leur arrestation.
De même, le 11 janvier, des militants de l'ONG « Rukh pen Til », dont la journaliste Inga Imanbaeva, ont été interpellés après avoir mis en scène "l'enterrement de la démocratie" pour protester contre la prolongation du mandat présidentiel.
Le même jour, la fondation "Journalistes en détresse" (organisation partenaire de Reporters sans frontières) avait organisé une conférence de presse en soutien aux journalistes condamnés au Kazakhstan. Elle avait rappelé à cette occasion la détention depuis plus de deux ans de Ramazan Eserguepov, arrêté le 6 janvier 2009 par les services de la Sécurité nationale (KNB). Reporters sans frontières déplore le maintien en détention de Ramazan Eserguepov, en dépit de ses graves problèmes de santé. Condamné le 8 août 2009 à 3 ans de prison, suite à un procès entaché d'irrégularités, le fondateur d'Alma-Ata Info aurait du bénéficier d'une libération conditionnelle en août 2010, après avoir purgé un tiers de sa peine. L'organisation appelle une fois de plus au respect de ses droits et à sa libération.
Les conférenciers ont également évoqué les condamnations des journalistes Alpamouis Bektourguanov et Kamalitdin Doulatov, libérés en 2010 après un an de détention, et de Tokberguen Abiev et Moukhtar Moukhambetjan toujours emprisonnés. A l'issue de cette conférence, les participants ont défilé silencieusement sur des chars où étaient inscrits les noms des journalistes détenus. Le défilé n'a duré que trois minutes avant qu'ils ne soient interpellés par les forces de police et le procureur. Reporters sans frontières soutient cette action et s'inquiète qu'une manifestation d'hommage aux journalistes condamnés, sobre et silencieuse, puisse être ainsi interrompue et entraîner des interpellations.
L'organisation rappelle que la situation de la liberté de presse s'est gravement détériorée au Kazakhstan depuis 2010. Selon Rozlana Taukina, présidente de "Journalistes en détresse" et correspondante de Reporters sans frontières, "le Kazakhstan se dirige vers une pression plus importante sur la presse qui critique et s'oppose au pouvoir. Le gouvernement tente d'obtenir le soutien complet et univoque au référendum pour prolonger de dix ans le mandat du président, c'est pourquoi il tente d'éliminer la presse alternative. La répression va s'accroître". Il est urgent que l'OSCE et l'Union Européenne se mobilisent pour enrayer la dégradation de la liberté de la presse au Kazakhstan et en Asie centrale.
Sur http://fr.rsf.org le 21 janvier 2011
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