Les Républiques d'Asie Centrale

Zone géopolitique d'apparence homogène, l'Asie Centrale est en réalité un espace complexe caractérisé par des contraintes politiques, économiques et sécuritaires dépendantes des choix stratégiques des puissances régionales, et plus particulièrement de la Russie. Au contact de plusieurs mondes, l'Asie Centrale risque de se placer dans les années à venir au centre de nouvelles préoccupations sécuritaires et énergétiques.

Les Républiques d'Asie Centrale – à savoir le Kazakhstan, le Kirghizstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan – entretiennent des liens historiques privilégiés avec la Russie. En effet, ces Etats étaient intégrés à l'URSS et sont aujourd'hui membres de la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Moscou assimile l'Asie Centrale à son « étranger proche », c'est à dire un ensemble d'Etats sur lesquels la Russie possède un droit de regard privilégié, voire un droit d'ingérence. Ce faisant, la Russie se présenterait comme le seul hégémon régional – 2 puissances ne peuvent cohabiter dans un même espace selon la doctrine russe – en droit de s'ingérer dans les affaires intérieures des Républiques d'Asie Centrale. En outre, les Républiques d'Asie Centrale sont vues par le Kremlin comme des Etats à « souveraineté et responsabilités limitées », dont la Russie s'entoure afin de recréer un « glacis » protecteur lui permettant de reconquérir sa puissance perdue à la fin de la Guerre froide. Les Etats d'Asie Centrale présentent des caractéristiques communes :

· Alors même que le Kirghizstan fait depuis peu figure d'exception, les régimes politiques des Républiques d'Asie Centrale sont caractérisés par un pouvoir fort incarné par la présidentialisation accrue des régimes et la concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif.

· La région est marquée par la porosité des espaces frontaliers qui facilitent la prolifération des trafics illégaux transnationaux, notamment à cause de la présence frontalière de l'opium afghan.

· L'environnement sécuritaire en Asie Centrale est aujourd'hui affecté par la présence avérée de militants islamistes venant d'Afghanistan et du Pakistan. L'appui du réseau qaïdiste et du mouvement taliban aux groupes extrémistes régionaux – tels le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (IMU) et la mouvance Hizb ut-Tharir – aurait tendance à favoriser l'expansion des combattants rebelles.

· Le potentiel énergétique (pétrole et gaz) et agricole régional est pour l'instant entièrement tourné vers la Russie. Cette situation pourrait toutefois rapidement changer si la Chine souhaite s'insérer dans le parc énergétique de certains Etats. L'Asie Centrale pourrait ainsi devenir un point de friction futur entre la Chine et la Russie.

Malgré tout, les Républiques d'Asie Centrale ne sont pas toutes soumises aux mêmes contraintes sécuritaires :

· Le Kazakhstan et le Turkménistan sont caractérisés par un contexte sécuritaire relativement stable depuis la fin de la Guerre froide. Ainsi, le Kazakhstan profite de la sécurité apportée par le voisin russe et le Turkménistan a déclaré sa neutralité vis-à-vis des questions géostratégiques régionales.

· Le climat sécuritaire en Ouzbékistan est relativement instable. En effet, la détérioration des conditions de vie ainsi que l'importance du taux de chômage en font un foyer potentiel de recrutement pour les groupes terroristes islamistes et conduisent à une recrudescence de la criminalité.

· L'année 2010 a été marquée au Kirghizstan par une dégradation notable du contexte sécuritaire. Malgré l'apparente stabilité retrouvée, les tensions inter-ethniques demeurent vives entre les Kirghizes et l'ethnie ouzbèke. De plus, la présence substantielle d'armes à feu au sein de la population et les revendications exacerbées dans le sud de l'Etat sont autant de risques sécuritaires persistants.

· Le Tadjikistan est aujourd'hui affecté par une situation sécuritaire particulièrement instable, notamment en raison de la résurgence de l'islamisme combattant constatée depuis plusieurs mois. La perception de l'islamisation progressive de la société tadjike et la porosité de l'espace frontalier avec le nord de l'Afghanistan créent des inquiétudes pour les gouvernements régionaux.

Par le Bureau Veille et Analyse Risques Pays Geos, publié sur www.inbusiness.fr le 13 janvier 2011