La récente visite du Président Medvedev dans la région de l'Oural et au Kazakhstan a mis en lumière les problèmes du fleuve Oural, dont la situation écologique préoccupe grandement tant les scientifiques que la population. Des solutions existent pourtant, rapporte rian.ru.
En visite dans la région de l'Oural, le président Medvedev a déploré le "triste spectacle" donné par le fleuve Oural. Ce grand fleuve d'Europe orientale (*), qui s'étire sur près de 1.200 km dans la région d'Orenbourg, mais aussi dans deux autres entités géographiques de la Russie et au Kazakhstan, est à la fois victime d'une forte pollution et menacé d'assèchement.
La situation écologique du bassin de l'Oural est considérée comme tendue. Les scientifiques mettent en garde contre un changement du régime hydrologique du fleuve, dont le déficit annuel en eau atteint 4,7 millions de mètres cubes. Le lit de ce fleuve, bien commun de la Russie et du Kazakhstan, s'envase progressivement, tandis que ses berges sont en train d'être détruites. La végétation qui prospérait grâce aux crues de printemps se dégrade, la biodiversité est en recul.
Les réserves de poissons s'appauvrissent, elles aussi, la population d'esturgeons étant ainsi au bord de l'extinction. Pourtant, à la fin des années 70 du siècle dernier, le fleuve Oural intervenait à hauteur de 33% dans la pêche mondiale d'esturgeons, et de 40% pour la production de caviar noir. Au cours des deux dernières décennies, la population d'esturgeons du fleuve a été divisée par plus de 30.
Selon Alexandre Tchibilev, directeur de l'Institut des steppes de l'Académie des sciences russe, si des mesures ne sont pas prises, l'Oural va se trouver asséché à mi-parcours. Pour lui, si tous les utilisateurs, en Russie comme au Kazakhstan, "ne se servent de ce fleuve qu'à partir de leurs intérêts locaux, l'Oural cessera de se jeter dans la Caspienne, de la même manière que le fleuve Elba ne se jette plus dans cette mer depuis 1939."
Les chercheurs relèvent qu'à côté des modifications écologiques, objectives, le bassin de l'Oural a subi l'influence de l'homme. On peut citer, notamment, la régulation du cours supérieur de l'Oural et de ses affluents, la mise en culture de terres vierges et en friches, la coupe des forêts concernées par les crues de printemps et des forêts assurant le partage des eaux, l'épuisement des ressources hydrobiologiques, l'activité économique d'entreprises métallurgiques de toutes sortes (métaux ferreux et non ferreux).
Selon Alexandre Tchibilev, la consommation industrielle de l'eau est un facteur majeur, à l'origine à la fois de pertes irrécupérables d'eau et de déversements représentant une source très dangereuse de pollution. A cet égard, les complexes industriels gaziers de Karatchaganak et d'Orenbourg et la mise en valeur de gisements pétroliers ont un impact dangereux sur le fleuve. Les régions de la vallée de l'Oural, où s'accumulent les conduites d'hydrocarbures et où sont édifiées des entreprises de production et de transformation d'hydrocarbures, constituent des zones de risque écologique particulier.
Il convient d'ajouter à cela que l'écosystème de l'Oural est perturbé par la construction de barrages de toutes sortes. Le problème de la préservation des zones inondées au printemps se pose. Les massifs forestiers sont victimes de l'irrégularité des arrivées d'eau, même en période d'inondations. Selon les chiffres d'Alexandre Tchibilev, sur l'ensemble du cours de l'Oural sont installés 4 gros réservoirs, 80 gros noeuds hydrauliques, auxquels il convient d'ajouter quelque 3.100 barrages de terre, édifiés de manière anarchique sur tous les petits cours d'eau, ce qui cause un gros préjudice au bassin du fleuve.
Les scientifiques notent également que la situation écologique tendue est liée au comportement des habitants, le niveau de culture écologique de la population vivant dans les villes et bourgades situées le long du fleuve étant très faible. Nombreux sont ceux qui considèrent l'Oural et ses affluents comme un égout commode. L'encombrement du fleuve par les ordures et les déchets humains influe négativement sur l'état de l'écosystème du bassin.
"Le problème de l'Oural, note Sergueï Gorchenine, président du gouvernement de la région d'Orenbourg, c'est celui des 12 millions d'habitants qui vivent le long du fleuve, en Russie et au Kazakhstan. La création d'une commission interétatique chargée du fleuve Oural permettra de rechercher les mécanismes les plus efficaces, les plus pertinents, et d'élaborer des positions communes pour l'utilisation rationnelle des ressources de l'Oural".
Alexandre Tchibilev souligne que l'état de ce fleuve transfrontalier préoccupe gravement, et depuis longtemps, les habitants de la région d'Orenbourg et du Kazakhstan. "La destruction de l'équilibre hydrique entraîne l'envasement du lit. Le principal danger émane des projets de construction de petits barrages sur la Sakmara, un gros affluent de l'Oural. L'Oural, qui fournit de l'eau à plus de sept millions de personnes, est lui-même approvisionné par la Sakmara, qui lui apporte 60% de ses eaux. Si le cours de la Sakmara est régulé, la ville kazakhe d'Atyraou risque d'être privée d'eau, note le chercheur."
Selon Alexandre Tchibilev, pour sauver l'Oural, il est indispensable d'appliquer en permanence deux mesures - exécuter des travaux d'approfondissement du lit dans le delta du fleuve et, lors des crues de printemps, de libérer les eaux du réservoir d'Iriklinskoïé, situé dans la région d'Orenbourg. "Durant la période des eaux abondantes résultant de la fonte des neiges, l'Oural se nettoie remarquablement, sans intervention humaine, des pollutions technogènes et anthropogènes, note pour sa part Sergueï Jdanov, chercheur à l'Institut des steppes. Mais ces dernières années, les crues de printemps ont été peu importantes, ce qui fait que l'équilibre écologique s'est trouvé perturbé."
La solution du problème de l'Oural, souligne Sergueï Gorchenine, se situe au niveau interétatique, car "il faut agir au niveau adéquat, en mettant en oeuvre les ressources de toutes les parties intéressées." Le gouverneur de la région d'Orenbourg, Alexeï Tchernychev, a proposé pour sa part la création d'une structure écologique interétatique dotée de prérogatives étendues.
(*) Long de 2.428 km (dont 1.164 dans la région d'Orenbourg), le fleuve Oural, qui coule en Europe orientale, est le troisième plus long fleuve d'Europe, après la Volga et le Danube. Son débit le place parmi les 30 premiers cours d'eau européens. L'Oural est le seul grand fleuve du versant "sud" du continent ayant un cours moyen et inférieur non régulés. Il traverse le territoire de trois entités de la Fédération de Russie (régions d'Orenbourg et Tcheliabinsk, république du Bachkortostan) et de trois régions du Kazakhstan.
Ria Novosti le 02/10/2009
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