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lundi 21 décembre 2009

L’eau revient dans une partie de la mer d’Aral

Une mer fermée victime d’un aménagement mal réfléchi
La disparition de la mer d’Aral a été provoquée par l’homme. Il est difficile de mettre en œuvre un plan global pour sauver l’ensemble de la région.

Située au milieu d’une zone désertique, la mer d’Aral devait son existence à la confluence de deux fleuves, l’un venant de l’est, le Syr-Daria, l’autre du sud, l’Amou-Daria. Ces deux fleuves alimentaient une mer grande, à l’origine, comme deux fois la Belgique.

Qu’est-ce qui a provoqué la catastrophe de la mer d’Aral ?Le niveau a commencé à baisser dans les années 1960, avec la mise en place de grands plans d’irrigation visant à développer la culture du riz au Kazakhstan et du coton en Ouzbékistan. Les planificateurs soviétiques ont décidé en 1959 de cultiver 2,5 millions d’hectares de terres vierges supplémentaires. Il leur a fallu prélever 60 % du débit des deux fleuves alimentant la mer d’Aral.
À l’époque, les Soviétiques ont imaginé de détourner les fleuves de Sibérie vers l’Asie centrale pour compenser cette perte en eau. Mais le projet a été abandonné en 1986, à la demande de Mikhaïl Gorbatchev. La mer d’Aral s’est trouvée avec un déficit d’approvisionnement. D’autant que les canaux d’irrigation ne sont pas étanches et perdent jusqu’à 50 % de l’eau qu’ils transportent. En 1960, la mer d’Aral recevait de 50 à 120 milliards de mètres cubes d’eau par an. Aujourd’hui, elle n’en reçoit plus que cinq à dix milliards.

Quelles ont été les conséquences ?La baisse du niveau de l’eau a transformé la région. Une lagune est apparue, coupant quasiment la mer en deux, et créant la « Grande » et la « Petite Aral ». Les cartes de la région continuent à indiquer la présence de la mer dans des zones qui ne sont plus que du sable. Le climat est devenu plus sec. L’emploi massif d’engrais pour les cultures a entraîné une pollution des eaux au phosphate. Les habitants, qui consomment cette eau, sont victimes de maladies rénales et de cancers. La mortalité infantile, dans la région, est quatre fois plus élevée que dans le reste de l’Asie centrale.
Les poissons ont quasi disparu dans cette mer polluée et devenue trop salée. De plus, le vent disperse le sel apparu à la surface des nouvelles terres émergées. Cela a provoqué la diminution des aires de pâturage. Les habitants qui le peuvent ont choisi de partir, tandis que le désert gagne du terrain.

Est-il possible de sauver toute la mer d’Aral ?La mer est à cheval sur deux pays : le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. La frontière passe au milieu des eaux. Un plan de sauvetage global exigerait la coopération des deux pays, or les relations entre les deux gouvernements sont difficiles.Pour augmenter le débit de l’eau remplissant l’Aral, il faudrait assurer l’étanchéité des canaux d’irrigation et diminuer les surfaces cultivées. L’Ouzbékistan, moins riche en pétrole et en gaz que ne l’est le Kazakhstan, n’est pas prêt à renoncer à la culture du coton, qui fait vivre des régions entières.
Aujourd’hui, plus personne ne croit à la possibilité de revenir à la situation des années 1960. La partie basse de la mer, la « Grande Aral », semble condamnée. Le Kazakhstan concentre ses efforts sur la « Petite Aral », qui se trouve entièrement sur son territoire. C’est ici seulement que de grands travaux ont permis d’enrayer le processus de désertification.
Le plan de sauvetage a consisté à fermer, par une digue de 30 mètres de large, la partie nord de la mer, de façon à retenir les eaux du Syr-Daria. Ainsi, le niveau de l’eau a pu monter de 12 mètres dans la « Petite Aral ». Une nouvelle digue doit permettre de monter, un peu plus au nord, le niveau de quatre mètres supplémentaires. Il faudra aussi construire un canal pour alimenter cette partie de la mer. On aura ainsi une mer d’Aral à trois niveaux, séparés par des écluses, afin de permettre la circulation des bateaux.
Les travaux entrepris par le Kazakhstan ont permis de ramener l’eau dans des zones où elle avait disparu depuis vingt ans. Cela permet, au final, de sauver une partie qui correspond à 15 % de l’ancienne surface de la mer d’Aral. Mais cela ne doit pas faire oublier que, dans le même temps, tout le reste de l’ancienne mer d’Aral, soit 85 % de la surface, reste en danger, menacé de disparition totale.
L’eau revient dans une partie de la mer d’Aral
Confronté à la disparition de cette mer, le Kazakhstan a entrepris d’en sauver une partie. La vie reprend dans une région en voie de désertification. Mais la basse Aral reste, pour l’heure, condamnée

«Revenez dans deux ans ! Je vous invite ! Et ici même, on pourra pêcher, et manger du poisson grillé en buvant de la bière », s’exclame Najmaddin Moussabaev, l’énergique maire d’Aralsk, à l’est de la mer d’Aral, au Kazakhstan. Il est l’un des promoteurs les plus enthousiastes du programme qui vise à sauver une partie de la mer d’Aral.
Mais on peine à le croire en regardant aux alentours. Tout ce qu’on aperçoit, en effet, c’est une étendue de sable et de pierres sèches. Quelques navires, posés sur des cales, rappellent pourtant que l’endroit fut, il y a trente ans, l’un des ports de pêche les plus actifs de la région. Mais les grues de débarquement, figées dans le silence et mangées par la rouille, ne donnent pas beaucoup d’espoir de revoir bientôt des navires de pêche accoster ici.
Avec le recul de la mer, commencé dans les années 1960, l’eau s’est éloignée à plus de 125 km d’Aralsk et de ses 35 000 habitants. Les grands projets soviétiques d’irrigation ont fait baisser le niveau de l’eau, condamnant, à terme, la mer d’Aral à disparaître. Aujourd’hui, Aralsk est une ville prise dans les sables. De nombreux habitants sont partis chercher du travail ailleurs. Les bateaux restés sur place sont « destinés aux générations suivantes, pour qu’elles se souviennent qu’un jour, il y eut la mer, ici… », explique un employé municipal avec un sourire nostalgique.

«Il y a plus d’endroits pour pêcher»
Pourtant, depuis quelques années, le Kazakhstan a entrepris d’inverser le cours du temps. La construction d’une première digue, longue de 13 km, entamée il y a trois ans, a permis de faire remonter de 12 mètres le niveau de l’eau dans la partie nord. La mer s’est rapprochée d’Aralsk. Elle n’est plus qu’à 30 km.
« En 2010, nous entamons la deuxième phase de notre grand programme national destiné à remettre en eau le port d’Aralsk, explique le maire. Grâce à un prêt de la Banque mondiale, nous allons réaliser des travaux pour un montant de 170 millions d’euros. Nous allons construire une deuxième digue qui permettra de faire monter de quatre mètres supplémentaires le niveau de l’eau. Et ainsi, nous allons gagner les 30 km qui nous manquent. En 2012, on verra l’eau arriver jusqu’ici ! » Le maire, habité par un optimisme impressionnant, prépare déjà ce moment. Il a soutenu l’installation de coopératives de traitement du poisson.
Dans les villages alentour, quelques habitants reviennent. Ils réparent les embarcations et les filets qu’ils avaient remisés depuis longtemps. Ils retrouvent petit à petit les gestes qu’ils avaient oubliés. Kourmangazi Bacturazov a créé une petite coopérative d’achat de poisson, à une quarantaine de kilomètres au sud d’Aralsk. Il constate : « Il y a encore cinq ans, il n’y avait plus d’eau ici, et plus du tout de poisson. Grâce à la digue, la surface d’eau a augmenté et il y a plus d’endroits pour pêcher. »

«Depuis quelques mois, on voit revenir certaines familles»
Le village de Bagen, un peu plus loin, regroupe quelques dizaines de maisons plantées dans le sable, autour d’une petite mosquée, d’un magasin et d’un enclos pompeusement baptisé « terrain de sport ». Aucune maison n’a l’eau courante. Une station, située à plusieurs kilomètres, pompe l’eau. Des camions font la navette et chaque famille achète de l’eau, pour la stocker dans des réservoirs.
Le directeur en retraite de l’école communale, Abilkhan Atkarimov, offre le repas. Au menu : viande de cheval bouillie sur de grosses tranches de pain, thé, abricots secs. Ici, la vie est difficile. « La température monte à 45° l’été et descend à moins 25° en hiver. Il fait sec, il n’y a pas d’arbres et beaucoup de sable. Il faut être résistant pour vivre ici… », constate l’ancien directeur d’école avec un humble sourire.Lorsque la mer est partie, les habitants se sont tournés vers l’élevage de dromadaires, de chèvres. « Il y a vingt ans, l’école communale accueillait 800 élèves. Elle n’en a plus que 200. Mais depuis quelques mois, on voit revenir certaines familles », note Abilkhan Atkarimov. Les pêcheurs n’ont plus qu’une vingtaine de kilomètres à faire pour aller travailler.

La retenue a permis de faire descendre la concentration de sel
Un peu plus loin, on roule sur la fameuse digue qui a permis de ramener l’eau sur une surface de 872 km2. Son financement a également été assuré par la Banque mondiale, pour un coût de 60 millions d’euros. Elle se présente comme un talus de 30 m de large. Grâce à elle, toute la partie située à droite est en eau. Un déversoir permet ensuite à cette eau de descendre vers la « Grande Aral », 12 mètres plus bas.
L’un des problèmes survenus avec la baisse du niveau, dans les années 1980, fut l’augmentation de la salinité. Les poissons se sont raréfiés. Dans la partie haute de la mer, la retenue a permis de faire descendre la concentration de sel : plusieurs dizaines de grammes par litre dans la partie basse, elle est tombée à 17 g/litre dans la retenue créée par la digue.
À Khosjar, une ferme piscicole emploie 120 personnes pour la reproduction des carpes et des barbeaux, dans le cadre du programme national visant à redonner vie à la partie de la mer remise en eau. Charaf Baïbossinov, le directeur de l’installation, montre avec fierté le matériel israélien dont il dispose. Les poissons qui naissent ici au printemps sont ensuite relâchés dans le Syr-Daria à la fin de l’été.

Sauver toute la mer exigerait des efforts gigantesques
Le bassin de la mer d’Aral a souffert d’un problème supplémentaire, du fait du retrait des eaux. Le sel s’est déposé sur les sols laissés à nu. Et avec lui, les restes des pesticides utilisés en grandes quantités pour l’agriculture, à l’époque soviétique. Ces sols salés et pollués sont impropres à toute culture. Le vent soulève le sel et le dépose sur des terres situées à 250 km à la ronde. Ainsi se propage la pollution des sols.
Pour retenir le sel, les autorités régionales replantent le seul arbuste capable de pousser sur ces sols salés, le saxaoul (Haloxylon ammodendron). Ses racines profondes freinent l’érosion des sols. Mais les habitants ont pris l’habitude de le couper pour l’utiliser comme bois de chauffage. Ces maigres arbustes sont la seule ressource naturelle. Une course de vitesse est donc engagée entre les autorités qui plantent et la population, revenue, qui coupe.
Autour d’Aralsk, l’élévation du niveau de la mer ressemble à une forme de miracle. Avec les digues, la surface d’eau s’étend. Et la vie revient dans des zones désertiques. C’est une chance pour cette partie du bassin. Une chance dont ne profite pas la partie basse. Là, la situation continue de se dégrader. Sauver la totalité de la mer d’Aral exigerait des efforts beaucoup plus gigantesques, que les gouvernements de la région ne sont pas encore prêts à faire.

Alain Guillemoles (à Aralsk, Kazakhstan) sur www.la-croix.com