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vendredi 4 septembre 2009

Le golfe du Mexique redevient une nouvelle frontière pour les pétroliers

Le champ pétrolifère de Ghawar et ses 140 milliards de barils resteront le "Graal" des pétroliers, et ce gisement d'Arabie saoudite découvert en 1948 n'aura jamais d'équivalent. Mais les compagnies pétrolières ont parfois l'heureuse surprise de découvrir des champs "géants". Cette bonne fortune vient de tomber sur BP : après Kaskida en 2006, la major britannique BP a annoncé, mercredi 2 septembre, la découverte d'un gisement prometteur dans la même zone du golfe du Mexique, à 400 kilomètres des côtes américaines.

Baptisé Tiber, il pourrait contenir plus de 3 milliards de barils (pétrole et gaz), dont 600 à 900 millions seraient récupérables. Ils s'ajouteraient aux 18 milliards de barils constituant les réserves prouvées de BP, loin derrière les 260 milliards de SaudiAramco. Kaskida et Tiber permettraient à BP de porter sa production dans la zone à 650 000 barils par jour. Ce gisement a été découvert après le forage d'un puits de 10 600 mètres sous le niveau de la mer, le plus profond jamais réalisé par l'industrie pétrolière.

Cela prouve, selon BP, que le golfe du Mexique n'est plus cette "mer Morte" que les pétroliers décrivaient il y a vingt ans. Et que d'autres découvertes sont possibles dans l'ultra-deep off-shore. Des forages complémentaires seront néanmoins nécessaires pour confirmer l'importance de Tiber. Puis des années de travail et quelques milliards de dollars avant d'extraire la première goutte d'huile, un puits coûtant 200 millions de dollars.

Malgré les risques d'ouragans entre juin et novembre, les compagnies aiment travailler au large des côtes texanes, où la réglementation et la fiscalité ne connaissent pas la lourdeur et les aléas politiques qui sont monnaie courante au Venezuela, en Russie et au Moyen-Orient. Ces grandes découvertes valorisent les majors cotées en Bourse, les réserves constituant leur actif le plus important : l'action BP a gagné 4,3 %, mercredi, à Londres. Pour les avoir largement surestimées en 2004, l'anglo-néerlandais Shell a dû débarquer son état-major, essuyer de sérieuses turbulences boursières et payer de lourdes amendes.

Les champs "supergéants" ou "géants" ont un autre avantage. Leur production décline moins vite que celle des plus petits : - 3,4 % par an pour les premiers et - 6,5 % pour les seconds alors que le déclin des autres atteint 10,4 %, indique le dernier rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie (World Energy Outlook 2008). Quelque 20 000 champs sont en exploitation dans le monde, mais une centaine assurent 40 % de la production et les vingt plus grands - concentrés au Moyen-Orient, au Mexique, en Russie et au Kazakhstan - représentent 20 % des 85 millions de barils extraits chaque jour.

Ces grands gisements ne font pourtant que retarder le déclin inévitable d'une production qui ne suit plus la consommation. "Dans les années 1990, le pétrole consommé n'a été remplacé qu'à un peu plus de 50 % par le pétrole des gisements nouvellement découverts", rappelle Jean-Pierre Favennec, expert à l'Institut français du pétrole, dans Géopolitique de l'énergie (Editions Technip, 2007). Les compagnies peinent à reconstituer leurs réserves à mesure qu'elles pompent dedans, les découvertes étant moins importantes que dans les années 1960 : les pétroliers avaient mis au jour 29 champs géants durant cette décennie et 56 milliards de barils par an, contre 11 champs et 13 milliards de barils trente ans plus tard.

Les progrès de la technique (forages, images en 3D...) leur ont permis de faire de belles "prises" depuis dix ans. Kashagan, en mer Caspienne (Kazakhstan), est la plus importante depuis Prudhoe Bay (Alaska) en 1968. Sa production quotidienne pourrait atteindre 1,2 million de barils au milieu de la prochaine décennie, ce qui en ferait le troisième champ derrière Ghawar et Burgan (Koweït). En 2006-2007, le Brésil a découvert au large de ses côtes, à grande profondeur et sous une croûte de sel, les gisements de Tupi (5 milliards de barils) et de Iara (3 milliards), ce qui en fera un grand pays exportateur d'or noir à l'horizon 2015.

Mais les rares "perles" que les compagnies ajoutent à leur couronne sont dans des zones où l'exploitation est complexe. La moitié se fait en mer profonde (golfe du Mexique et de Guinée, Brésil, Australie...) et ces réservoirs sont coûteux à développer. Kashagan, le plus pharaonique des projets pétroliers, en est la meilleure illustration. Ce défi technologique et environnemental se double d'un enjeu économique : après des années de retard et une dérive financière, son coût a atteint 136 milliards de dollars ! Les analystes jugent que la rentabilité de tels "éléphants" requiert un baril à 70 dollars. Le niveau qu'il a atteint depuis quelques semaines et qu'il dépassera sans doute dans les prochaines années.

Ressources et réserves. Les ressources sont les quantités de brut dans le sous-sol ; les réserves sont les quantités récupérables avec les techniques actuelles. Ce sont les réserves que les sociétés inscrivent à leur bilan.

Taux de récupération. Sur 100 barils (159 litres), on en récupère en moyenne 35 (de 10 à 80 barils selon les gisements). Les experts estiment que si ce taux montait à 50 % grâce aux avancées techniques, on pourrait presque doubler les réserves de brut dit "conventionnel".

Déclin. Le déclin naturel moyen des champs (hors investissement pour améliorer la production) est de 9 % pour ceux qui ont atteint leur pic de production et devrait être de 10 % par an d'ici à 2030, avertit l'Agence internationale de l'énergie. "Cela signifie, prévient-elle, que l'investissement dans l'amont devra augmenter dans certains pays, parfois fortement, juste pour compenser ce déclin."

Jean-Michel Bezat sur www.lemonde.fr

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