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mardi 12 janvier 2010

Kazakhstan : l'eldorado des steppes

Nouvel acteur majeur du pétrole et de l'uranium, le Kazakhstan est une pièce clef de l'échiquier euro-asiatique, qui suscite toutes les convoitises. Son accession à la présidence de l'OSCE, le 1 er janvier, couronne une course à la respectabilité s'appuyant sur une sûreté juridique, mais qui peine à masquer les pratiques d'un régime autoritaire.

Si d'aventure vous aviez quelques difficultés à situer le Kazakhstan sur une carte, c'est simple. Prenez toutes les grandes puis sances d'Asie (Chine, Inde, Russie) et les principaux pays sources d'inquiétude pour la communauté internationale (Afghanistan, Pakistan, Iran)… Le Kazakhstan est pile au milieu. Au coeur de la « tectonique des plaques » géostratégiques. Pour le grand public, ce vaste pays - sa superficie représente environ les deux tiers de celle de l'Union européenne, pour une population trente fois moins importante -se résume à une sulfureuse équipe cycliste (Astana) et à un film à l'humour lourdaud (« Borat »). Pourtant, le Kazakhstan est aujourd'hui l'un des Etats les plus courtisés au monde. Et l'on comprend aisément pourquoi : dans les dix ans à venir, il va certainement se hisser au troisième rang mondial des exportateurs de pétrole, avec un objectif de 3 millions de barils quotidiens, derrière l'Arabie saoudite et la Russie. Son sous-sol renferme des réserves prouvées d'or noir équivalant à la moitié de celles du Koweït, ainsi que 15 % des stocks mondiaux d'uranium (dont le Kazakhstan est devenu récemment le premier producteur mondial), des gisements de cobalt, d'or, de fer, de zinc, de cuivre, de chrome, de nickel et de minéraux plus exotiques, mais cruciaux pour les nouvelles technologies. Aux cours actuels, des ressources potentielles de 3.000 milliards de dollars au total !

Un air de Dubaï

De Nicolas Sarkozy (premier chef d'Etat français à visiter le pays depuis la venue de François Mitterrand, en 1993) à Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, des majors du pétrole aux discrets mais efficaces commis voyageurs chinois ou turcs, du propriétaire d'ArcelorMittal aux ténors de l'uranium, les principaux dirigeants de la planète se pressent à Astana. Signe des ambitions et de l'opulence du Kazakh stan, ce qui était il y a dix ans un gros bourg balayé par le vent des steppes et bordé par le cimetière des réprouvés de l'URSS (Allemands de la Volga ou Caucasiens envoyés en exil intérieur dans cette république interdite aux étrangers) est devenu une sorte de Dubaï… à ceci près qu'il y fait -40 °C l'hiver. Tours biscornues aux façades de verre dorées ou bleu ciel, pyramides, esplanades, palais des congrès aux formes audacieuses, avenues, canaux artificiels conçus par les architectes en vogue dessinent la plus jeune capitale du monde. Astana est née en 1998 du pari, décrié mais pas illogique (Almaty, l'ancienne capitale, était trop excentrée) de Noursultan Nazerbaïev, le président depuis l'indépendance de 1991.

Ce dernier a une caractéristique attractive en ces temps de lutte contre la prolifération nucléaire. Il est le seul chef d'Etat en exercice à avoir abandonné un arsenal nucléaire (1). Il a aussi la réputation d'être le dirigeant le moins infréquentable d'Asie centrale. Nul écho, ici, de manifestants massacrés à la mitrailleuse comme en Ouzbékistan, ni de culte de la personnalité à la Turkmène, hormis l'empreinte en or de la main du président en haut d'une tour pour touristes.

Classe moyenne émergente

A quelques mètres de là, dans le centre commercial et de loisirs en forme de yourte inclinée élaboré par Norman Foster et doté d'une plage tropicale, les boulots dangereux et mal payés sont réservés aux Kirghizes ou aux Tadjiks, suspendus à un filin à 40 mètres du sol. Cela en dit long sur le niveau de vie moyen des Kazakhs, comparé à celui de leurs voisins, dont ils parlent avec condescendance. « Si une grande pauvreté sévit dans les campagnes, une classe moyenne émergente a profité de la manne pétrolière que le clan au pouvoir a eu l'intelligence de ne pas confisquer massivement », explique un analyste. Grâce à un taux de croissance à deux chiffres - sauf l'an dernier, où il fut nul -, le revenu moyen des Kazakhs a été multiplié par 3,5 en quinze ans ! Et les dépenses publiques de santé et d'éducation par six. Certes, la frénésie de chantiers laisse augurer de pénibles retours à la réalité puisque le taux d'occupation des immeubles de bureaux est sans doute inférieur à 50 %. Mais, à l'inverse d'un Dubaï menacé de faillite, les emprunts sont gagés virtuellement sur un sous-sol richissime, et le pays a su surmonter l'an dernier la faillite de sa principale banque privée, BTA, sans trop de dommages.

Autre succès, la diplomatie « multivectorielle » du régime, consistant en clair à jouer les équilibristes entre Pékin, Washington, Bruxelles et Moscou, lui a permis de remporter un précieux gage d'honorabilité : depuis le 1er janvier, le Kazakhstan préside pour un an l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), mise sur pied par les protagonistes de la guerre froide pour prévenir les conflits en Europe. Un événement sans précédent, à plus d'un titre. Jamais, en effet, l'OSCE n'avait été présidée par une contrée de l'ex-URSS, par un Etat euro-asiatique ou par un pays majoritairement musulman… Ni par une dictature, font valoir les ONG, qui jugent scandaleux qu'une institution chargée de veiller à la sincérité des scrutins électoraux ait à sa tête un pays où aucune élection n'a été déclarée transparente et sincère. Lors des dernières législatives, à l'été 2007, le parti présidentiel Nur-Otan avait raflé tous les sièges. Et Noursultan Nazerbaïev, quoique authentiquement populaire, a été réélu en 2006 avec un score suspect de 91 % !

Le régime contrôle par ailleurs étroitement les médias. Le principal hebdomadaire d'opposition, « Respoublika », ploie sous les amendes et les perquisitions. Selon une loi promulguée cet été, tous les blogs sont considérés comme des médias et peuvent donc être interdits pour le motif, vaguement défini, d'atteinte à la sécurité de l'Etat. Grèves et manifestations sont tolérées mais très encadrées. Et deux opposants de premier plan, Altynbek Sarsenbaïouly et Zamanbek Nourkadilov, ont été mystérieusement assassinés il y a trois ans…

Des pratiques autoritaires que certains expliquent par les craintes de déstabilisation ou d'intrigues, dans un pays entouré de grandes puissances et faisant l'objet de tant de convoitises.

Pékin place ses pions

En l'occurrence, sur le plan géostraté gique, c'est surtout la Chine, 80 fois plus peuplée, qui inquiète ici… et séduit aussi, chéquier en main. On redoute les conséquences de sa stratégie d'entrisme économique, tout en se félicitant de ses investissements. Pékin a ainsi acheté rien moins qu'un million d'hectares pour cultiver maïs et soja. Lancée dans une stratégie mondiale d'acquisitions de gisements d'hydrocarbures, la Chine contrôle par ailleurs le tiers de la production pétrolière nationale, après le rachat de PetroKazakhstan pour 4 milliards de dollars, en 2005, et la prise de participation de 11 % effectuée en octobre dernier dans l'opérateur national, Kazmunaigas. Et, comme un symbole, le premier pipeline qu'elle a jamais construit hors de ses frontières relie depuis juillet dernier, sur 2.200 kilomètres, le rivage kazakh de la Caspienne à sa région occidentale du Xinjiang.

Mais Pékin ne fait pas pour autant la pluie et le beau temps, grâce à une concurrence savamment entretenue. Les champs pétroliers sont explorés ou exploités par une foule de consortiums associant entreprises canadiennes, russes, sud-coréennes, britanniques, améri caines et françaises. Un afflux de compétences et de capitaux indispensable. Mais si le pays veut doubler ses capacités d'exportation, actuellement limitées à 1,5 million de barils par jour, il doit construire rapidement de nouveaux pipelines. Le Kazakhstan est en effet le pays le plus enclavé du monde : trois des cinq pays qui l'entourent n'ont eux-mêmes aucun accès à la mer ! Ainsi, Yves-Louis Darricarrère, directeur général exploration et production de Total, expliquait lors d'un récent passage à Astana que le consortium chargé de l'exploitation du gisement géant de Kashagan - dont Total et l'entreprise publique Kasmunaigas font partie -« aura besoin d'un pipeline à l'horizon 2015 » pour évacuer la production du champ. « Dans sa première phase, ce projet doit permettre d'exporter 300.000 barils par jour à partir de 2012 », poursuit-il.

Corruption et bureaucratie

Mais chaque pipeline constitue un enjeu géostratégique, puisqu'il sécurise l'approvisionnement d'une grande puissance ou renforce le pouvoir d'un pays de transit. Par exemple, Astana est courtisé par Washington, Bruxelles et Bakou pour alimenter le gazoduc Nabucco, qui contournera à partir de 2014 la Russie et réduira la dépendance de l'Europe à l'égard de Moscou.

Mais, plus encore qu'un goulet d'étranglement au niveau de ses pipelines, ce sont les moeurs économiques qui pourraient obérer le décollage économique du pays. Les règlements de comptes à coups d'arrestations et de faillites entre les différents clans gravitant autour du pouvoir sont musclés (lire aussi sur www.lesechos.fr) et le Kazakhstan est classé parmi les pays les plus corrompus de la planète. Une corruption qui se nourrit d'une bureaucratie encore bien soviétique. Le président du forum des entrepreneurs kazakhs, Raimbek Batalov, raconte ainsi que, pour enregistrer une entreprise, « il faut réaliser au moins 68 procédures auprès de 37 organisations gouvernementales, avec 144 documents originaux, 13 copies notariées et 274 copies non notariées »…

YVES BOURDILLON sur www.lesechos.fr

(1) Lors de la dissolution de l'URSS, l'Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan, lequel possédait 1.400 ogives nucléaires, ont rendu à Moscou les armes entreposées sur leur sol à l'époque soviétique. Astana avait bénéficié pour cela d'une aide logistique et financière secrète de Washington.

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