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lundi 6 juillet 2009

A Astana, le dialogue interreligieux conditionne la paix


À l’invitation du président du Kazakhstan, pays carrefour entre l’Europe et l’Asie, une centaine de responsables religieux internationaux ont envisagé un « monde de tolérance, de respect mutuel et de coopération »

C’est dans une haute pyramide de verre, appelée « Pyramide de la paix », que le Kazakhstan a convié une quinzaine de délégations internationales représentant l’islam, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, l’hindouisme ou encore le shintoïsme et le zoroastrisme. Une pyramide conçue pour être le centre d’Astana, la nouvelle capitale kazakhe depuis 1998, choisie après l’indépendance du pays en 1991.

Dans cette ville ambitieuse et futuriste qui ne cesse de s’étendre, la Pyramide de la paix fait face au palais présidentiel, de l’autre côté de la rivière Ichim. C’est dire si la paix et la concorde entre les peuples sont affichées comme primordiales par le président Nazarbaev.

Selon son biographe Jonathan Aitken (1), le président du Kazakhstan, qui a fait voter en 2007 un amendement constitutionnel lui permettant de se présenter autant de fois qu’il le veut à l’élection présidentielle, a été marqué dans son enfance par les mythologies et superstitions kazakhes, puis par l’islam, dont il s’est ensuite éloigné, et peut se définir comme un « déiste sceptique ». « Les religions l’intéressent et il en a une bonne connaissance, mais il n’est membre d’aucune, estime le Britannique. Ce qu’il veut, c’est fonder le Kazakhstan sur les principes de liberté et de tolérance religieuses, et le protéger de tout extrémisme. »


3e congrès du genre

Il faut dire que cet immense pays de steppes – 15 millions d’habitants pour une superficie correspondant à cinq fois la France –, situé à la jonction de l’Europe et de l’Asie, rassemble 130 groupes ethniques (Russes, Kazakhs, Kirghiz, Ouzbeks, Tadjiks…) et de 45 confessions (47 % de musulmans sunnites, 42 % d’orthodoxes russes, 3 % de catholiques, 1 % de juifs…). Ici, on compte fièrement « 2 229 mosquées, 258 églises orthodoxes, 93 églises catholiques, six synagogues et plus de 500 lieux de culte protestants ».

Ce « congrès des responsables des religions mondiales et traditionnelles » convoqué par le président Nazarbaev est le troisième du genre : les deux précédents, en 2003 et 2006, avaient déjà rassemblé une centaine de représentants religieux de haut niveau pour débattre des valeurs universelles et de l’implication des croyants dans l’amélioration du monde.

Cette fois, alors que le Kazakhstan assurera l’an prochain la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), il s’agissait davantage d’échanger sur la construction d’un « monde de tolérance, de respect mutuel et de coopération », selon le discours inaugural de Noursoultan Nazarbaev.

Ce qui peut expliquer la présence d’un certain nombre de personnalités politiques, à commencer par Shimon Peres, assis à la droite du président kazakh. Quand le président israélien a pris la parole, la délégation iranienne conduite par Mehdi Mostafavi, conseiller du président Ahmadinejad, est sortie de la salle. « Dès que l’on entre en dialogue avec des musulmans et des juifs, on constate que notre séparation habituelle entre le temporel et le spirituel n’est pas évidente pour eux », expliquera plus tard le cardinal Jean-Louis Tauran, à La Croix. Le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a retenu l’attention par la profondeur de ses deux interventions, sur « la paix, don de Dieu et fruit de la coopération des hommes » et sur « les valeurs communes à toute la famille humaine ».


Un cheikh à la même table que deux grands rabbins d’Israël

De même, le fait que le grand rabbin ashkénaze d’Israël, Yona Metzger, ait brandi la photo du soldat Gilad Shalit en réclamant « pour lui aussi, le droit à la paix et à l’amour », n’a pas semblé surprendre les participants. « Il avait déjà brandi une semblable photo en 2005 à Moscou, lors d’un congrès interreligieux préparant le G8 », sourit le métropolite grec-orthodoxe Emmanuel, métropolite de France, qui avait participé aux deux précédents congrès d’Astana.

« Le simple fait de voir le cheikh Abdullah Al Turki, secrétaire général de la Ligue mondiale des musulmans, s’asseoir à la même table que deux grands rabbins d’Israël est déjà formidable », se réjouit-il, heureux également de rencontrer ici des délégations d’Asie qu’il est peu habitué à voir en Europe.

Beaucoup ont ainsi souligné la « priorité » du dialogue interculturel et interreligieux pour le monde d’aujourd’hui « si souvent menacé par une utilisation pervertie des religions », selon l’expression de Kjell Magne Bondevik, ancien premier ministre norvégien – après avoir été pasteur luthérien –, qui préside aujourd’hui le Centre pour la paix et les droits de l’homme à Oslo.


"La seule lutte sainte est celle pour la paix"

« Il est essentiel que des responsables musulmans aient clairement dit qu’on ne peut utiliser des symboles religieux pour des enjeux politiques », affirme Aymeri de Montesquiou, sénateur français « amoureux » du Kazakhstan. « Tout ce qui peut aider à la connaissance et à l’estime réciproques entre religions est une bonne chose », ajoute Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Karaganda, au sud d’Astana.

« Les responsables religieux doivent comprendre que la seule lutte sainte est celle pour la paix », insiste de son côté Marco Impagliazzo, président de Sant’Egidio, communauté italienne qui organise chaque année une rencontre interreligieuse dans l’esprit d’Assise. Et de raconter comment ces discours sur le dialogue ont pu se concrétiser à travers la lutte contre la peine de mort dans le monde, engagée avec des musulmans d’Indonésie et du Maroc. Il regrette cependant qu’il n’y ait pas à Astana, à la différence des rencontres de Sant’Egidio, de prière pour la paix, « chacun selon sa manière de s’adresser à Dieu ».

(1) Nazarbaev and the making of Kazakhstan, Éd. Continuum, à paraître à Londres le mois prochain.


Article et photographie de Claire LESEGRETAIN, à Astana (Kazakhstan).
Publié sur www.la-croix.com le 6 juillet 2009

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