ASTANA — Un haut responsable du parti du pouvoir au Kazakhstan a jeté un pavé dans la mare lundi en suggérant que le chef de l'Etat, Noursoultan Nazarbaïev, puisse être désigné président à vie de cette ex-république soviétique qui s'apprête à prendre la tête de l'OSCE.
Le chef-adjoint du parti Nour Otan, Darkhan Kaletaïev a appelé à l'adoption d'une loi "Sur le Leader de la Nation", quelques jours après la publication sur le site du chef de l'Etat de commentaires dithyrambiques d'un universitaire appelant à une présidence perpétuelle.
"Selon nous, la question ne concerne pas que la présidence à vie du chef de l'Etat en exercice. C'est très réducteur, ce doit être beaucoup plus large que ça", a déclaré M. Kaletaïev lors d'une conférence de presse à Astana, capitale du Kazakhstan depuis 1997.
Le Parlement du Kazakhstan --où ne siègent que des membres de Nour Otan-- avait déjà levé en 2007 pour M. Nazarbaïev, au pouvoir depuis la période soviétique, une limite à deux mandats consécutifs, alors que la prochaine présidentielle est prévue en 2012.
Bien que Darkhan Kaletaïev ait souligné qu'aucune décision n'avait été prise, la question n'ayant "pas été étudiée au plus haut niveau du pouvoir", opposants et analystes se sont offusqués de cette éventualité.
D'autant que le Kazakhstan doit prendre en janvier et pour un an la tête de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), une organisation notamment chargée de s'assurer du respect des principes démocratiques chez ses Etats membres.
"A l'OSCE, ils doivent être assis là en se disant qu'ils ont fait la plus grosse des erreurs en donnant (au Kazakhstan) la présidence", estime Ana Jelenkovic de l'Eurasia group, un centre d'analyse basé à Londres. "Tous ceux qui avaient encore de l'espoir, qui se disaient que c'était une bonne idée, doivent être en train de pleurer", ajoute-t-elle.
Le Kazakhstan, puissance pétrolière située au carrefour de l'Europe et de l'Asie, avait arraché cette présidence après un intense lobbying en promettant des réformes démocratiques, alors qu'aucune élection n'y a été reconnue comme libre et que les atteintes aux droits fondemantaux sont régulièrement dénoncées par les ONG spécialisées.
"Nous jugeons que le Kazakhstan, qui vise à devenir un Etat démocratique dans le contexte de la présidence de l'OSCE, doit, avec la Russie se rapprocher de l'Europe, alors qu'il retourne, à la place, aux temps obscurs des Khans", regrette Boulat Abilov, du parti d'opposition Azat.
Dossym Satpaïev, qui dirige le Groupe d'évaluation des risques à Almaty, voit derrière cette proposition de présidence à vie la main de l'élite kazakhe, qui veut préserver son influence en éliminant la possibilité d'une alternance du pouvoir. "Abolir les élections est un scénario étudié depuis longtemps par l'élite kazakhe(...) car elle s'assurerait du maintien de son influence politique et économique", note-il.
Même au sein du parti Nour Otan --présidé par M. Nazarbaïev-- la proposition ne fait pas l'unanimité, à l'instar du député Ivan Tchourkaline. "Lorsque ces choses arrivent entre les mains du chef de l'Etat, il met les points sur les i et remet à leur place les gens trop zélés", dit-il, rappelant que M. Nazarbaïev s'était opposé en juin 2008 à une initiative parlementaire qui proposait de renommer la capitale de son prénom, Noursoultan.
Toujours est-il que le président kazakh, 69 ans, a mis en place un culte de la personnalité. M. Nazarbaïev se pose en père de la Nation, dispose d'un musée à sa gloire et ses portraits et citations ornent les façades de nombre de bâtiments publics et routes du pays.
De Dana RYSMOUKHAMEDOVA (AFP)
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