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mardi 15 décembre 2009

Offensive énergétique de Pékin en Asie centrale

Soucieuse de diversifier ses approvisionnements en énergie et de renforcer son influence en Asie centrale, la Chine a franchi une étape symbolique avec l'inauguration, lundi 14 décembre, d'un gazoduc de 1 833 kilomètres, qui achemine le gaz turkmène via l'Ouzbékistan et le Kazakhstan jusqu'au Xinjiang, dans l'ouest de la Chine. Là, il sera connecté au réseau chinois, puis rejoindra Shanghaï, à plus 4 000 kilomètres à l'est.


Commencée en juillet 2008, la construction éclair de ce gazoduc trans-Asie centrale, le premier à ouvrir pour le Turkménistan un débouché autre que la Russie, vient couronner une stratégie d'engagement économique chinois dans la région, qu'a sans doute accélérée la crise économique.

Déjà très présente au Kazakhstan, la Chine distribue des prêts aux pays touchés par l'effondrement du cours des matières premières, en échange de projets d'exploitation énergétique ou d'infrastructures.

La Chine contribue aussi au souhait de désenclaver énergétiquement ces pays de plus en plus courtisés, pour certains, par les Occidentaux. Le Turkménistan, qui exporte près de 50 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la Russie, a en outre vu depuis avril ses livraisons suspendues vers l'ancien grand frère soviétique après une explosion sur le réseau de gazoducs opéré par le géant russe Gazprom en Asie centrale.

En visite officielle dans la région, le président Hu Jintao était, lundi, dans le nord-est du Turkménistan en compagnie des présidents turkmène, kazakh et ouzbek, afin d'actionner les valves du tout nouveau gazoduc. "La Chine donne la plus grande priorité à la coopération avec ses voisins et ce gazoduc témoigne de la coopération ininterrompue qui fleurit entre nos nations", a-t-il déclaré.

Son hôte, le président Gourbanguli Berdimukhamedov, a salué la "revitalisation de l'ancienne Route de la soie", en se félicitant que "la Chine, grâce à la sagesse et au recul dont elle fait preuve dans son approche, est devenue un garant incontournable de la sécurité globale".

Les premières livraisons à destination de la Chine porteront sur 6 milliards de mètres cubes en 2010, pour atteindre progressivement 40 milliards en 2015, soit près de la moitié de la consommation chinoise actuelle. Le gazoduc est formé de deux conduites parallèles, dont une seule est achevée, l'autre étant encore en chantier, et est approvisionné par la concession de Bagtyyarlyk, exploitée depuis 2007 par la China National Petroleum Corporation (CNPC).

Pékin et ses géants de l'énergie ont en peu de temps fait de l'Asie centrale une zone clé d'expansion. Au Kazakhstan, la CNPC détient 67 % de PetroKazakhstan, et a pris cette année le contrôle de MangistauMunaiGaz, quatrième société kazakhe d'hydrocarbures, en échange d'une ligne de crédit de 10 milliards de dollars (6,8 milliards d'euros) à Astana.

L'opération a été scellée lors de la visite, en avril, du président kazakh Nursultan Nazarbayev à Pékin. Un oléoduc relie déjà les champs pétrolifères de la Caspienne au Xinjiang chinois et transportera près de 20 millions de tonnes de pétrole par an à partir de 2011. Des négociations sont aussi en cours sur des projets concernant l'exploitation des réserves d'uranium kasakhes.

Le Turkménistan, lui, a bénéficié d'un prêt chinois de 3 milliards de dollars pour prospecter le champ gazier du Yolotan-Osman Sud, près de la frontière afghane, sur lequel lorgnent les Chinois. La Chine est très présente au Kirghizistan, avec plusieurs projets d'infrastructures et d'exploitation minière.

Le développement économique est, aux yeux de Pékin, la meilleure garantie que la région restera stable. Il s'agit de préserver le Xinjiang chinois, secoué en juillet par des émeutes interethniques, en éliminant toute influence déstabilisatrice, mais aussi d'en faire le centre commercial et industriel de la région, car c'est par là que transitent les exportations croissantes de produits chinois vers l'Asie centrale.

L'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS), l'organe intergouvernemental lancé par Moscou et Pékin en 2001 en partie pour contrer l'influence de l'Occident et de l'OTAN (qui regroupe aussi le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan - l'intégration du Turkménistan est en discussion) est l'un des véhicules qui a facilité la montée en puissance de la Chine dans la région.

Le développement économique est devenu partie intégrante de ses objectifs, et c'est paradoxalement Vladimir Poutine, en 2007, au sommet de Bishkek, qui a bataillé pour la création à terme d'un Club de l'énergie - sorte d'OPEC d'Asie centrale -, et une coopération plus approfondie dans ce domaine. Soucieuse avant tout de tenir à distance l'Occident, et de ménager son monopole sur les réserves de la région et leur exportation vers l'Occident, la Russie a sans doute été prise de vitesse par la Chine.

Si Pékin et Moscou, qui ont lancé cette année la construction d'un oléoduc entre la Sibérie orientale et la Chine, financée par celle-ci, se disent sur la même longueur d'onde, le retour de l'Empire du milieu comme un acteur majeur du "grand jeu" d'Asie centrale met au défi les ambitions russes de leadership dans la région. "Objectivement, les avancées chinoises n'arrangent pas les Russes qui avaient une position de monopole", analyse le sinologue Jean-Pierre Cabestan, professeur de science politique de l'Université baptiste de Hongkong.

La Chine est toutefois reçue avec ambivalence en Asie centrale, les pays sont prêts à coopérer avec la Chine, mais craignent aussi d'être envahis par ses produits. Ce qui amène Pékin à jouer un rôle prudent dans la région. Son influence diplomatique et politique se fait déjà sentir. Lors du conflit russo-géorgien de 2008, la Chine avait rallié les autres pays de l'OCS, qui sont restés neutres. Ce qui constituait de fait un désaccord avec la Russie.

Brice Pedroletti sur www.lemonde.fr

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