La Russie, la Chine et les pays d'Asie centrale regroupés au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont le sommet annuel s'est tenu hier à Pékin, envisagent de se passer du dollar pour leurs échanges commerciaux, notamment de pétrole. Cette proposition, qui devrait faire l'objet d'une discussion plus formelle d'ici à la fin de l'année lors d'un sommet financier de l'OCS au Kazakhstan, a de quoi alimenter la rumeur récurrente d'un effort concerté des rivaux des Etats-Unis pour faire perdre au dollar son rôle dominant. Rumeur relancée récemment par un article du quotidien britannique « The Independent » (démenti par les gouvernements concernés) selon lequel les monarchies arabes, la Russie, la Chine, mais aussi la France (?!), le Brésil et le Japon conspiraient pour remplacer le dollar par un panier de monnaies, l'euro, le yen et le yuan, sur le marché du pétrole.
Portée limitée
Le projet évoqué hier à Pékin peut d'autant plus faire couler de l'encre qu'il émane d'une organisation qui essaye de s'affirmer face aux Etats-Unis sur le plan géostratégique et sécuritaire en un embryon d'Otan oriental. Mais, si cette proposition peut provoquer quelques émotions à Washington ou ailleurs, elle n'a toutefois qu'une portée très limitée. En effet, les échanges entre la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Kirghizstan ne représentent qu'une minuscule portion, inférieure à 0,3 %, du commerce international. D'ailleurs, même si l'ensemble des exportateurs de pétrole demandaient à ne plus être payés en billets verts, cela ne représenterait qu'une goutte d'eau comparé au montant des réserves de dollars détenues par les principaux pays de la planète, qui confèrent au billet vert son statut. En outre, facturer le pétrole en rouble ou en yuan conduirait inéluctablement à une hausse de ces devises, affaiblissant au passage la compétitivité russe ou chinoise,… ce qui ne fait certainement pas partie des plans de Pékin (mais correspond aux demandes répétées des pays occidentaux).
Financement d'infrastructures
Peinant à trouver sa raison d'être sur le plan économique depuis sa création en 2001 (quoique Pékin soit le deuxième fournisseur et le sixième client de Moscou tandis que la Russie est le huitième débouché des Chinois et leur cinquième fournisseur), l'OCS a aussi annoncé hier le lancement d'un fonds commun pour le financement d'infrastructures dans l'énergie (les membres de l'OCS disposent de la moitié des réserves prouvées de gaz de la planète et d'un sixième de celles de pétrole), les transports et les télécommunications. Le montant de la participation de chacun sera déterminé ultérieurement. Et, si les membres de l'OCS, où l'Iran, l'Inde et le Pakistan disposent d'un siège d'observateur, se sont dits déterminés à « approfondir la coopération mutuelle » et à « coordonner les mesures anticrise », ils n'ont divulgué aucun détail. Même la ligne de crédit de 10 milliards de dollars offerte en juin par Pékin aux pays d'Asie centrale pour les aider à surmonter la récession n'a fait l'objet d'aucune confirmation officielle.
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